Rapport Tabe’a III : conflits et pressions du changement climatique sur le patrimoine mondial naturel dans la région arabe

Troisième rapport de ce type depuis 2015, Tabe’a est la seule publication documentant les progrès, les défis et les opportunités en matière de protection des zones naturelles exceptionnelles dans les États arabes à travers la Convention du patrimoine mondial. Tabe’a III fait partie d’un programme de coopération entre l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le Centre régional arabe pour le patrimoine mondial (ARC-WH), et couvre la période allant de 2015 à 2019.

Actuellement, la région arabe compte huit sites du patrimoine mondial classés pour leur valeur naturelle. Ces sites incluent des paysages naturels variés, des déserts où des espèces rares résistent à des conditions extrêmes, des zones humides qui servent de refuge pour les oiseaux migrateurs, en plus de paysages marins qui abritent une diversité abondante de vie marine

Les États arabes sont l’une des régions du monde les plus touchées par les conflits qui affectent à leur tour le patrimoine mondial. Sur les 52 sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril, 40% (soit 21 sites) sont situés dans des États arabes. Toutefois, on en sait plus des impacts des conflits sur les sites culturels du patrimoine mondial que des répercussions de ces conflits sur les sites naturels, sachant que les initiatives traitant des questions environnementales liées aux conflits ne sont pas spécifiques au patrimoine mondial naturel.

Le rapport identifie les principaux impacts des conflits sur la nature comme la destruction des habitats, la pollution (de l’eau, de l’air et du sol), les déplacements des réfugiés vers les zones naturelles, l’augmentation du risque d’espèces envahissantes, l’effondrement des infrastructures et des capacités de gestion, l’augmentation de la production et de l’utilisation des ressources, le développement incontrôlé et l’augmentation de la chasse et du braconnage des animaux sauvages.

Le rapport montre que dans les régions où les pratiques traditionnelles sont bien ancrées et où le taux de possession des ressources par les communautés locales est élevé, les dommages sont susceptibles d’être moins conséquents pendant les périodes de conflit. La manière dont le patrimoine naturel est géré et gouverné après un conflit peut, cependant, appuyer ou au contraire saper les initiatives de construction de la paix.

Le rapport examine également les effets du changement climatique sur les sites naturels du patrimoine mondial dans la région arabe, particulièrement exposée à des conditions météorologiques extrêmes, à la pénurie d’eau et aux inondations côtières. Le changement climatique est la principale menace qui pèse sur les sites naturels du patrimoine mondial à l’échelle mondiale, selon le troisième rapport de l’UICN ; l’Horizon du patrimoine mondial publié en décembre 2020. En plus des déchets solides, le changement climatique constitue aussi la principale menace dans la région arabe pour les sites naturels du patrimoine mondial.

Le rapport Tabe’a III souligne que de nombreux sites du patrimoine mondial de la région arabe n’ont pas de politique établie, de plan ou de processus pour gérer ou réduire les risques associés aux catastrophes. En même temps, ces sites peuvent faire partie de la solution, à la fois avant et après les impacts des conditions météorologiques extrêmes, car les écosystèmes sains sont plus résistants aux conditions naturelles inhabituelles, absorbent et stockent le carbone, et peuvent se rétablir plus rapidement et plus facilement.

Les sociétés de la région arabe sont, depuis des milliers d’années, dans la contrainte de s’adapter à la chaleur et à la rareté de l’eau et ont pu mettre au point diverses techniques pour faire face à ces contraintes environnementales. La région arabe est, de ce fait, un précieux réservoir de connaissances traditionnelles et institutionnelles qui, si préservé et accessible, pourrait apporter une contribution importante aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique.

Le rapport aborde également les liens entre la nature et la culture, et souligne que les enseignements tirés des populations locales de la région arabe peuvent contribuer à la réussite de la conservation du patrimoine et à l’obtention de résultats en matière de durabilité. Par exemple, au Levant et dans la péninsule arabique, des efforts ont permis de faire revivre la tradition ancestrale d’Al Hima ; qui implique qu’une zone soit laissée de côté saisonnièrement permettant ainsi la régénération des ressources naturelles.

Ces relations entre l’homme et l’environnement naturel ont contribué à façonner à la fois l’environnement physique et les systèmes de croyance. Aujourd’hui, une telle reconnaissance a permis une meilleure compréhension du fait que les attributs naturels ou culturels des sites du patrimoine ne sont pas des réalités distinctes, mais qu’ils sont au contraire imbriqués et liés.

Tabe’a III fait également le point des évaluations des perspectives de conservation des sites du patrimoine mondial naturel et « mixte » (naturel et culturel) de la région entre les années 2014 et 2017, durant lesquelles peu de progrès ont été réalisés. En outre, les perspectives de conservation 2017 pour le patrimoine mondial naturel dans les États arabes étaient positives pour deux tiers des sites, mais ont été évaluées en 2020 comme très préoccupantes pour la moitié des sites.

Pour aider ces sites exceptionnels à surmonter les défis tout en soutenant leur succès, l’UICN et l’ARC-WH apportent leur soutien aux parties prenantes régionales de la Convention du patrimoine mondial, en tant qu’institutions partenaires combinant l’expertise aux niveaux mondial et régional.

Photo © Selma Kassem

Le rapport peut également être consulté sur le site internet de l’UICN : doi.org/10.2305/IUCN.CH.2021.13.en